Julie Crenn

Surfaces urbaines

 

Vivre dans une ville. Traverser un espace et rendre compte visuellement de son expérience avec le lieu. Il réalise ses premières images en 2005 et prend conscience de ce qui l’entoure et des motifs qu’il va photographier de manière systématique. Denis Thomas considère lui-même ce travail relevant « plus d’une obsession qu’un désir d’inventaire ».

Dans cette perspective, il a choisi de fixer son œil et son objectif sur Bordeaux, qu’il parcourt de fond en comble pour y faire surgir sa vision de la ville. Bulle choix voir savoir répétition contemplation soulagement chose renouvellement découverte exploration repos mémorisation partage machinité pensée prétention domestication accumulation monde matérialisation illusion magie image pudeur admiration.

Il ne se définit pas comme un véritable photographe mais tel un individu exprimant son point de vue sur ce qui l’entoure. Murs, dallages, carrelages, bitume, faïences, mosaïques, ciment, peintures et ferrailles semblent fusionner dans un univers désertique où l’homme paraît avoir soudainement quitté les lieux. Le photographe accentue un « systématisme » avec la récurrence des motifs : carrelages, herbes sauvages, sols, pas de portes, frontalités, orthogonalité, etc.

Il dit d’ailleurs : L’homme a besoin des systèmes, qu’il crée, comme il a besoin de les détruire. Disons que le reste est de l’ordre du hasard. S’il entre dans les halls et les couloirs des bâtiments rencontrés lors de ses balades, Denis Thomas rend compte de la fuite humaine. Les lieux sont vides et se dégradent progressivement. Certains sont en cours de destruction, ils sont figés et les matériaux brisés nous apparaissent comme des blessures profondes.

En tant qu’architecte d’intérieur, Denis Thomas, exprime une nécessité personnelle de faire le constat désarmant, du gâchis et de l’abandon de lieux livrés à eux-mêmes. Tout ce qui se trouve dans mon champ de vision est bon à voir. Toutes les lumières sont belles à raconter. Ce qui importe à mes yeux, c’est l’instant, guidé par le désir de voir. Puis, s’opère le cadrage, le donner à voir, afin d’immortaliser (29 oct. 2010). Depuis plus d’une dizaine d’années, il partage une relation duelle avec Bordeaux. À travers son œil, nous assistons à une lente métamorphose urbaine, entre constructions et destructions. Son regard, pour l’instant concentré sur Bordeaux, nous promet de nouvelles images au fil des autres villes, des autres territoires qu’il rencontrera à l’avenir.

Julie Crenn Octobre 2010